Les églises fermées, une fatalité ?
- Anne-Sophie Hourdeaux
- 20 nov. 2020
- 4 min de lecture
Qui ne connaît pas au moins une église fermée à proximité de chez lui ? Les villes et les villages sont concernés. Même les grands édifices de centre-ville connaissent des fermetures. Parfois, elles sont provisoires, parfois définitives. Une simple fermeture pour travaux peut mener à des années de portes closes. Parfois parce que les travaux sont importants, comme pour l'église St Joseph à Roubaix fermée pour 5 ans qui rouvrira en 2021 ; parfois parce que les travaux sont trop compliqués et ne peuvent même pas commencer (comme pour l'église St Sauveur de Lille ou la basilique du St Cordon à Valenciennes). Analysons les raisons des fermetures, car elles sont variées.

Des travaux. D'abord, une église peut être fermée parce que des travaux trop importants doivent être envisagés pour la sécurité du public.
Beaucoup d'églises ont besoin de travaux. Les problèmes de toiture surtout sont les plus lourds et les plus onéreux. Ces impacts structurels nécessitent des fermetures nombreuses, le plus souvent provisoires. Elles seront de plus en plus fréquentes au vu des difficultés financières des municipalités et des diocèses propriétaires, les travaux seront moins anticipés. Les édifices les moins prestigieux se dégraderont.
Certaines églises restent fermées quelques mois pour leurs travaux et rouvriront sans souci. Mais d'autres restent fermées des années, sans véritable espoir de réouverture car les travaux sont trop complexes, comme l'église Saint-Sauveur à Lille depuis 2015 ; ou la basilique Notre-Dame du Saint-Cordon à Valenciennes (fermée depuis 2007), pourtant centrales dans la ville.

Manque de prêtres. Aussi, un lieu de culte peut avoir porte close parce que par manque de prêtres, la messe ne s'y célèbre plus régulièrement : on l'ouvre une fois par mois, parfois même une fois par an pour le culte !
En quoi la baisse du nombre de prêtres a des conséquences sur les ouvertures d'église ? Si nos églises restent dédiées aux sacrements et à l'eucharistie, il est évident que le nombre de prêtres influe en ce domaine. Surtout que les prêtres aînés, encore nombreux à rendre des services, diminuent de plus en plus du fait du vieillissement.
Aujourd'hui, une paroisse couvre plusieurs clochers. Il est très rare qu'une paroisse ne compte qu'une seule église. Le plus souvent en ville, elle recouvre 3 à 6 clochers, un prêtre pouvant être même curé de plusieurs paroisses.
Dans le monde rural, ce nombre augmente considérablement. Dans le Pas-de-Calais, une paroisse dans le Ternois a 52 clochers ! Il n'est alors pas possible dans ce cas d'avoir une messe par semaine dans chaque clocher. Les églises peuvent être cependant ouvertes régulièrement pour la prière. Mais les vols et dégradations, avec la baisse du nombre de sacristains, rendent les ouvertures difficiles.
Beaucoup d'églises ne sont donc ouvertes qu'une fois par mois pour une messe, le curé faisant un planning où les eucharisties « tournent » dans chaque clocher de sa paroisse. Quand il a plus de 10 clochers, même avec l'aide de prêtres aînés, il est évident que les messes ne peuvent être fréquentes !
Argent. L'argent n'est pas secondaire dans l'ouverture de nos églises, car dès qu'un problème de travaux se fait connaître, la question financière est évoquée rapidement. Si l'argent manque, les travaux tardent, l'église se dégrade encore plus et doit fermer, parfois pendant des années avant que le propriétaire ne budgétise les travaux.
Trop de clochers. L'agrandissement du territoire de la paroisse, qui compte plusieurs clochers, a un impact sur l'utilisation des lieux de culte. Il y a deux options : soit les messes « tournent » dans le clochers, chacune son tour. Soit une église centrale concentre les énergies, au détriment des autres, plus éloignées du centre.
Projets. Dans une paroisse qui compte plusieurs clochers à fort rayonnement, l'église la plus périphérique, sans élément patrimonial notable, moins fréquentée, peut être négligée. Si les forces de la paroisse sont déjà investies sur plusieurs clochers, un des lieux de culte peut être « sacrifié » pour se concentrer sur les autres.
Conflits. A Roncq, le maire a fermé une église de quartier qui avait besoin de travaux mais qui n'était pas en péril. Pourquoi ? Parce sa ville compte deux églises séparées de 800 mètres, et qu'il voulait concentrer ses finances sur une des deux. Il a également évoqué le fait de « forcer » ainsi la communauté paroissiale à repenser l'usage du lieu de culte, vu que celle-ci ne manifestait pas l'envie d'y réfléchir auparavant. D'autres villes font de même, engageant ainsi une sorte de bras de fer contre-productif.
Cela révèle que les fermetures d'églises peuvent signifier une sorte de chantage. Dans une grande ville, un adjoint au patrimoine a déjà évoqué ce fait : fermer une église pour « négocier » avec le diocèse la désacralisation d'une autre, bien placée.
Désacralisation. Parfois malheureusement, une fermeture cache une envie de désacralisation dans le futur, parce que ladite église n'a plus d'attrait. Avant de désacraliser, on ferme une église, souvent en évoquant les problèmes de travaux. Puis, quelques années plus tard, le temps fait son oeuvre, le manque d'argent est annoncé, et on désacralise avant la vente ou la destruction.
Mobilisation. Les clochers qui sont fréquentés, qui ont une association, ont moins de risque de fermer que ceux qui n'intéressent personne. On fera davantage le choix de se séparer d'un clocher qui mobilise peu.
Sécurité. La sécurité et le coût d'un service de "garde" ont des conséquences sur les ouvertures. Il y a de plus en plus de dégradations et des vols d'objets d'art sacré dans les églises ouvertes sans surveillance. Les sacristains, qui furent une fonction très développée, bénévoles ou salariés, se font rare.
Ces fermetures provisoires ou non sont-elles une fatalité ? Pas si nous arrivons à développer la polyvalence d'usages, avec d'autres activités en plus de la messe.
Comments