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Le silence dans une église

  • Anne-Sophie Hourdeaux
  • 12 avr. 2020
  • 6 min de lecture

Dernière mise à jour : 16 avr. 2020

Premier sujet de réflexion pour élargir les usages de nos lieux de culte : le silence. Il paraît évident dans une église. Une église est par définition un lieu de silence. Mais le silence n'est pas lié à une religion, il est universel.


« Silence » est un mot qui concerne tout le monde, même les personnes ne se reconnaissant dans aucune religion.


On a tous besoin de silence, et de silence "habité" si possible. Car le silence ne renvoie pas seulement à l'absence de bruit. Il évoque un espace où l’on peut se reposer le corps et l’esprit pour se recentrer, se retrouver soi-même, se détendre, voire faire le point sur sa vie. Ce silence est propice à la paix intérieure dont nous avons tant besoin. On peut dire qu'il est essentiel au bonheur.


Il peut prendre plusieurs formes : prières, mais aussi méditation, zen, gestion du stress, sophrologie, lecture, musique douce...


Une église porte en elle naturellement cette dimension du silence. C'est un écrin privilégié. Un "lieu de silence" pourrait y prendre place, terme plus large qu'un lieu de culte.


Un espace silencieux mais pas que...

Que pourrait-on trouver dans un lieu de silence ? Un espace silencieux me direz-vous ! Mais un lieu de silence est bien plus que ça !Je propose quelques pistes, fruits d'expériences existantes. C'est mon travail de journaliste qui m'amène à porter cette réflexion, un exercice de méga-synthèse, en tant que témoin de nombreuses pépites dont j'ai envie qu'elle devienne des « écoles ».

Intéressons-nous donc d'abord à ce qui existe déjà.


L'exemple de la Passerelle à Euralille

A Lille, un lieu a choisi cette dénomination, et il est particulièrement original. La Passerelle (voir la photo d'illustration) est dite « lieu de silence ». Que propose-t-il ? Du silence, mais pas seulement.


La Passerelle est un ovni. D'abord par son emplacement : en plein coeur du centre commercial Euralille ! Comment est-ce possible ?Cet espace a été voulu dès l'origine par les concepteurs du centre commercial nouvelle génération, dont Pierre Mauroy lui-même. Il n'est donc pas une pièce rapportée mais bien un lieu naît dès l'ouverture du centre en 1995.


Deuxième originalité du lieu : il est œcuménique, c'est-à-dire co-géré par les communautés catholique et protestante de Lille. Un modèle pour d'autres expériences, pourtant peu dupliqué aujourd’hui. Troisième particularité : son appellation « silence ». Il est ouvert à tous. Des musulmans fréquentent l'espace prière régulièrement, car il est quasiment sans signe religieux.


Il est divisé en 4 espaces : un grand accueil où l'on peut lire, des bureaux pour un moment d'écoute gratuite, le lieu de silence à proprement dit (de quelques dizaines de mètres carrés) et uns salle plus grande pour des rencontres. Expositions, rencontres d'auteurs, contes bibliques y sont proposés une dizaine de fois par an.Le lieu va déménager prochainement, le lieu est en recherche dans le centre de Lille, mais j'espère qu'il garder a ce même concept ! Cet exemple de la Passerelle pourrait-il être dupliqué ? Il est en tous cas intéressant à analyser.


Et un lieu de silence interreligieux ?

Cet exemple m'amène à poser une question poil à gratter : un lieu de silence pourrait-il être co-géré par plusieurs religions ? Car à l'origine, la demande des concepteurs de la Passerelle allait en ce sens.


Cela paraît impossible de nos jours, la peur du syncrétisme (mélange des religions) est forte. Pourtant, la Passerelle a réussi avec une dimension oecuménique pas si facile que cela au vu des très rares expériences catholique-protestante vécues en France (à part le lieu de pèlerinage et la communauté religieuse de Taizé !)


L'expression « lieu de silence » serait particulièrement plus pertinente, plus universelle, et mieux acceptée qu'« interreligieux ». « Interreligieux » renvoie aux religions uniquement, ce terme évoque davantage un espace où les croyants se succèdent pour prier chacun dans sa tradition.


Aussi, des lieux vivent déjà cette singularité sans que cela ne pose problème : il s'agit des hôpitaux, des prisons et des aéroports. Les chapelles de ces lieux sont devenues des lieux de prière interconfessionnels, avec d'un côté la croix et de l'autre les tapis ! Ou alors, on installe les signes religieux selon le culte réalisé.


Un lieu de silence co-géré par plusieurs religions serait différent d'un lieu de prière à l'hôpital, en prison ou à l'aéroport, puisqu'il faudrait penser tout ensemble et non l'un après l'autre.

Pourrait-il s'appuyer sur l'association Coexister, qui rassemble des jeunes de toutes les convictions, pas seulement religieuses ?


The "House of One" à Berlin

Autre exemple en Europe. Une synagogue, une mosquée et une église chrétienne réunies sous un même toit, cela vous semble impossible ? Pourtant, c'est imminent, et ce projet unique au monde est allemand. Il se prépare depuis 2011 et verra le jour à Berlin, en Allemagne. Il s'appelle "House of one" (facebook.com/HouseOfOneBerlin), Maison de l'unité. Le budget est de 40 millions d'euros.


La première pierre devait être posée mi-avril 2020, à suivre selon l'actualité du confinement. Ce lieu survivra-t-il à la crise économique annoncée après l'ouragan provoqué par le coronavirus ?


Pour concevoir ce lieu, un concours d’architecture a été lancé : 208 projets, issues de 14 pays, ont été étudiés. Ce qui veut dire que ce projet fou intéresse largement !Comment veut-il s'organiser ? Chaque religion aura son lieu de culte dans une même maison ; plus un espace commun propice à la rencontre pouvant accueillir conférences, expositions.Un appel au financement participatif (crowdfunding) est toujours en cours. Vous pouvez acheter une brique de la future maison pour 10 euros !


Rosario en Belgique

Autre lieu de silence existant, mais qui ne porte pas ce nom, en Belgique. A Biévène (Bever), dans la partie flamande, un centre de méditation baptisé « Rosario » a pris place dans un ancien couvent. On y trouve des chambres et un espace restauration. Des concerts y ont lieu. On peut louer des salles de travail (avec coussins de méditation et lumière régulée).

Sur le site du centre Rosario (pleine-conscience.be), on peut lire : « La salle de méditation est accessible nuit et jour pour nos hôtes. Cet espace unique dans lequel, deux fois par an, le soleil vient toucher le bol chantant tibétain, est un régal pour les yeux et vous offre la possibilité de vous ressourcer ».


Des pistes concrètes

Alors, que pourrait-on trouver dans un lieu de silence à l'heure actuelle ?

-Plusieurs méthodes existent déjà pour vivre cette dimension du silence : yoga, sophrologie, méditation pleine conscience… Des cours de ce genre pourraient donc prendre place dans un "lieu de silence".


-Le silence peut se baser sur des gestes symboliques. Par exemple « brûler » ses problèmes écrits sur un morceau de papier. Un peu à la manière de ce qui se vit au festival artistique « Burning Man » dans le désert du Nevada aux États-Unis chaque année ! On écrit ses difficultés sur un papier, ceux-ci sont brûlés à la fin du festival.


-Un lieu de silence peut être un lieu d'introspection, de pardon, de prière au sens large. La chapelle Notre-Dame de la Réconciliation à Lille veut placer le pardon au centre de son charisme. Le pardon au sens chrétien, c'est le sacrement de réconciliation (anciennement confession). Mais ce pardon peut prendre différentes formes, comme lorsqu'on laisse des intentions de prière. Ecrire ses difficultés, c'est les confier à Dieu, ou à l'univers, c'est se soulager d'un poids.


-Un lieu de silence pourrait être également basé sur les études. Les bibliothèques des étudiants ne sont-elle pas silencieuses mais pleines de vie ?

L’église de Kaulille en Belgique (côté flamand) accueille la bibliothèque municipale dans une aile latérale. Elle est dotée d’une entrée spécifique. Le reste de l’église est toujours dédié au culte. J'imagine bien une bibliothèque spécifique dédiée aux religions, mais aussi aux philosophies et courants de pensée. La Région Nord-Pas-de-Calais, avant de devenir Hauts-de-France, envisageait de créer un "learning center des religions" à l'abbaye de Vaucelles dans le Cambrésis. Cela n'a pas pu se réaliser. Mais l'idée est intéressante à creuser. Depuis plusieurs années, des églises et chapelles sont ouvertes en divers endroits de Flandre pour accueillir de jeunes étudiants en quête de silence pour réviser ! Près de Bruges, l’église d’Assebroek ouvre douze heures par jour pendant un mois pour les révisions des étudiants. L’église reste dédiée au culte le dimanche.


-Le silence peut être lié à la musique, qui élève l'âme. La musique "spirituelle", qu'elle soit classique ou issue des traditions religieuses, a tout à fait sa place dans une église.


-Le silence, c'est aussi la lecture. J'aime proposer cette image futuriste lorsque je parle de "reconversions d'églises" : imaginez, vous rentrez dans l'église, il y a de beaux fauteuils rouges velours confortables et sublimes, des murs entiers de livres, vous vous installez, et vous lisez ! Vous êtes chez vous... L'église pourrait être désacralisée pour être envahie de livres, mais pas forcément. Les lecteurs silencieux pourraient être présents dans l'espace livres pendant que la messe se déroule juste à côté.


Quelles autres propositions pourraient offrir un lieu de silence selon vous ?

 
 
 

1 Comment


ehoizey
Apr 16, 2020

Très bel article ! Il m'a fait rêver. Peut-on imaginer un lieu d'expression par la danse ?

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